Lors d’un précédent billet, j’ai examiné les pratiques des Etats membres de l’Union européenne en matière de retrait des statuts de protection internationale (réfugié ou protection subsidiaire). L’Autriche ou la Suisse faisaient partie des pays recourant le plus à cette pratique, dans des cadres nationaux distincts. Ce billet vise à dégager le poids des politiques nationales dans l’exercice des retraits.
En effet, dans le cas de l’Autriche, une évolution législative de la police des étrangers (Fremdenpolizei) conduite en 2018 a permis d’élargir et préciser les situations pouvant conduire au retrait d’une protection en raison des actes d’allégeance manifestés, avec pour objectif une augmentation de 15 %i, même s’il semble que les retraits soient surtout motivés par les autres clauses de cessation.
De fait, l’Autriche a connu une forte augmentation du nombre de retraits prononcés chaque année, passé de 325 en moyenne sur la période 2008-2017 à 2 300 sur la période récente 2018-2022. Celle-ci coïncide à des changements politiques, puisque le Sozialdemokratische Partei Österreichs (SPÖ) quitte la coalition gouvernementale à compter du mois de décembre 2017. L’analyse trimestrielle des retraits suggère elle aussi une importante variation d’origine gouvernementale.

Mais le fait que la moyenne des retraits trimestriels sous des gouvernements conservateurs soit plus élevée ne suffit pas à conclure à un effet politique prépondérant dans la détermination de la pratique administrative des retraits de protection. En effet, l’augmentation en volume des retraits fait suite à celle des protections accordées. Or, l’Autriche, comme les Pays-Bas, la Suisse ou l’Allemagne, a attribué massivement des protections internationales lors de la crise migratoire de 2015.
Pour cette raison, il semble utile d’étudier le décalage dans le temps et l’intensité de la relation entre les vagues de protection puis de retrait, par nationalité et selon les pays d’accueil. Il paraîtrait normal que cette distance varie en fonction des nationalités, puisqu’un retrait de protection est normalement motivé par la situation sécuritaire dans le pays d’origine. Les pics de retraits pour une même nationalité devraient donc aussi intervenir au même moment dans les différents pays d’accueil.

L’exemple de la nationalité afghane permet de constater qu’après un pic dans les décisions de protection atteint en 2017 et 2018, une hausse importante des retraits survient quelques années plus tard. Cet effet régulateur semble toutefois se produire dans une temporalité variable selon les pays, mais indépendante de la nationalité considérée.
En se penchant sur le cas de quatre nationalités fortement protégées dans ces pays d’accueil, on observe que le maximum de retrait n’est jamais constaté la même année par nationalité, ce qui devrait être le cas si le retrait dépendait exclusivement de la situation du pays d’origine.
En revanche, on observe une stricte hiérarchie des pays d’accueil en ce qui concerne le délai type de réexamen des protections. Quelle que soit la nationalité concernée, l’Autriche retire les titres typiquement entre 3 et 4 ans après la protection, l’Allemagne entre 3 et 4 ans, l’Autriche entre 4 et 5 ans. Cela suggère un effet d’habitude administrative, ou de délai de traitement.
Enfin, les maximums de retrait sont systématiquement atteints au même moment pour chaque pays d’accueil : en 2019 pour l’Autriche, en 2020 pour l’Allemagne, et en 2021-2022 pour la Suisse, ce qui suggère à nouveau un effet d’impulsion politique.
Méthode
Les décisions de protection et de retrait, par nationalité et par pays d’accueil, sont représentées de façon chronologique, après avoir été normalisées en z-score (soit l’écart à la moyenne divisé par l’écart-type) afin de souligner les variations, au détriment du réalisme des volumes.
La courbe des retraits est donc bien inférieure en réalité à celle des décisions de protection, mais cette représentation permet de faire apparaître le moment maximum et minimum de chaque donnée. Cette échelle de donnée ne modifie pas les résultats (qui a été conduite avec les données brutes de toutes façons). Les résultats des analyses de corrélation croisée (ccf) sont les suivants :

I Martin Stiller, Beneficiaries of international protection travelling to their country of origin: challenges, policies and practices in austria, EMN, Austria, 2018, p. 16