Plusieurs observateurs suggèrent que l’Union européenne participerait à accroitre la pression irrégulière aux frontières extérieure en ayant réduit l’immigration légale : « Puisque les voies légales d’asile et d’immigration se sont durcies et que les frontières sont devenues de plus en plus infranchissables, l’UE a encouragé l’industrie des passeursi». François Gémenne déclare aussi : « Il est impératif de mettre d’abord un terme à la tragédie qui continue en Méditerranée en rétablissant des voies d’accès aériennes sûres et légales ».
Il s’agit d’un thème récurrent de la sphère du plaidoyer, qui se fonde surtout sur l’annonce officielle, autour des années 1970, de la « fin de l’immigration » dans la plupart des pays européens. Or, il s’avère qu’il s’agit pour l’essentiel d’un phénomène en trompe-oeil. Si les exigences procédurales ont pu s’accroitre, elles se sont accompagnées de droits et garanties supplémentaires, si bien que les volumes de migration légales, et les voies d’accès au territoire, connaissent une augmentation continue, aussi bien à l’échelle de la France qu’au niveau européen.
Le nombre de titres de long séjour délivrés pour la première fois à des ressortissants de pays tiers, comme le nombre de visas de court séjour constituent de bons indicateurs de ces tendances.

La période observées court de 2008 à 2022, ce qui correspond aux extrêmes temporels de la série produite par EUROSTAT. Pour une meilleure comparabilité des années, il est préférable d’écarter la Croatie, dont les données manquent certaines années, et le Royaume-Uni, qui sort de la série à compter de 2021. Sur cette période de 15 ans, on constate une augmentation de 77 % des nouveaux titres délivrés chaque année, une croissance bien supérieure à la démographie et à l’économie européenne dans le même temps.
La tendance s’observe également en matière de délivrance de visas de court séjour, qui permettent l’accès au territoire européen, éventuellement pour y déposer une demande de protection ou s’y maintenir, au besoin, de façon abusive, ce qui permet d’éviter de recourir à des réseaux de passeurs. Malgré la vigoureuse politique de libéralisation des visas menée par la Commission européenne dans la dernière décennie (près de 30 nationalités supplémentaires ont exemptées), la délivrance de visas par les Etats membres a augmenté de 46 % sur la période courant jusqu’à la pandémie. Celle-ci a évidemment entraîné une réduction des délivrances, d’une façon conjoncturelle.

Dans ces conditions, il est difficile de parler d’une réduction des voies légales d’accès à l’Europe.
[à suivre…]
i TIBERGHIEN Frédéric, « Europe, droit d’asile et crise migratoire », Après-demain, 2016/3 (N ° 39, NF), p. 7-9. DOI : 10.3917/apdem.039.0007. URL :https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2016-3-page-7.htm